Comédienne et metteuse en scène, Hélène Lebarbier écrit beaucoup et collectionne les carnets. Il faut dire qu’elle a de qui tenir : chez elle, les carnets sont une affaire de famille.
Consigner les faits
Nous collectionnons et utilisons tous des carnets dans la famille. Ceux de mon père tiennent de l’agenda ou du calendrier, peut-être parce qu’il est économiste de formation et de métier, mais historien et archéologue dans l’âme. Depuis cinq ans, il tient assidûment ce qu’on appelle un « journal de raison ». Cela n’a rien à voir avec le journal intime ou une écriture des sentiments, des pensées ou des réflexions : là, il s’agit plutôt d’établir des faits. Il s’agit de consigner les achats, la météo, les visites, les nouvelles… Mon père sort son Journal de raison tous les matins à une heure précise, il note le jour et la date, puis consigne les événements. Il relit aussi ses carnets et s’intéresse aussi aux Journaux de raison d’autres époques.
Écrire pour se souvenir
Ma mère écrit des carnets pour la mémoire. Elle raconte des épisodes de sa vie, qui réinterprètent le souvenir. Elle est psychologue et gérontologue, et à ce titre s’intéresse aussi aux malades d’Alzheimer. Elle organise des « bistrots-mémoire » avec des personnes endeuillées et/ou qui perdent un peu la mémoire. Elle le fait aussi pour elle-même. Parfois, ma sœur et moi recevons un mail contenant tel ou tel épisode de sa vie qu’elle souhaite partager avec nous. Cette démarche est de l’ordre de l’autofiction.
Écrire pour les enfants
Ma sœur écrit pour les enfants. Ses carnets lui permettent d’amorcer ses débuts d’histoire. Quand elle écrit ses rêves aussi, elle a toujours un carnet à proximité. Son carnet c’est un lieu d’habitation parallèle comme elle dit, un moi peau avec lequel elle entretient un rapport sacré. Elle choisit ses carnets avec soin, en lien avec les thèmes de la nature et du féminin, par exemple ceux avec des dessins aux sujets féminins, avec les cheveux qui s’envolent au vent ou qui se transforment en plumes. Il faut que ça évoque la poésie, l’évasion, ce lien parallèle dans lequel elle se sent bien. Et Blanche, sa fille, dessine sur des carnets noirs, simples, tous les mêmes. Ce sont autant de personnages à inventer.
Écrire pour me comprendre et pour travailler
Quant à moi, je tiens des journaux intimes et carnets de voyage depuis l’âge de 14 ans. Je n’écris pas quotidiennement mais lors de moments forts de ma vie. J’ai tenu ainsi en 2013 un journal lors d’un voyage à New York qui était très intense pour moi, émotionnellement. J’avais besoin d’accoucher des choses sur le papier. J’ai écrit très régulièrement de la même manière lors de voyages en Chine. Je me dis qu’il faudrait que je parcours à nouveau mes carnets d’adolescence.
J’achète des carnets en raison de l’histoire qu’il y a autour – comme ici, avec les carnets Kiēlē. Je me laisse aussi tenter par la couleur, le design d’un carnet, si j’ai un coup de foudre avec le graphisme. J’achète beaucoup de carnets sur un coup de foudre et j’en ai toujours une dizaine d’avance, en réserve ! Mais je ne m’en sers pas tout de suite ; il faut d’abord que mes carnets me racontent quelque chose. En dehors de mon journal intime, je me sers de mes carnets pour mon travail de metteur en scène. Une élève m’a offert il y a un moment un carnet intitulé « Le songe d’une nuit d’été » ; je sais donc que je m’en servirai pour le théâtre, mais je ne sais pas encore ce que je vais en faire concrètement ni quand.
Je possède aussi des « pauvres carnets de seconde zone » pour les petites notes, les to-do listes. Ce sont des petits carnets de notes, de petit format. Mais pour les autres, que je préfère alors en A5, il faut que je ressente un appel et je m’en sers quand il y a une nécessité ou un vrai travail ou projet. Dans ces cas-là, je vais marcher puis au café écrire une trentaine de minutes au milieu de l’activité de la ville. Je combine alors le mouvement et la réflexion.
Quelques repères :
Le site professionnel d'Hélène Lebarbier : https://www.helenelebarbier-voixoff.com
Quelques livres de Soizic Lebarbier : "Grains de sel pour l'éveil - 5 contes à mijoter pour guérir et s'ouvrir" (éd. BOD), "Les secrets d'Hildegard" (éd. Le Lys bleu), "Ingrid a une craie" (éd. Édilivre)
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